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L’Intelligence artificielle ne remplace pas la puissance du collectif

L’intelligence artificielle (IA) suscite fascination et inquiétude. Développées depuis plusieurs années déjà, ces technologies en mesure de remplacer l’action d’un cerveau humain prennent une toute autre dimension grâce à l’apport des solutions de collecte et d’analyse des données de masse (big data).

Le croisement de ces informations et la puissance de calcul disponible permettent aux outils d’IA d’aider à la prise de décision. Nourris en permanence, ces processus développent aussi des formes d’apprentissage et d’amélioration autonomes. Le pouvoir de cette technologie va ainsi bien au-delà de la robotisation qui, en son temps, avait également inquiété, avant de devenir la norme pour de nombreuses industries.

Beaucoup d’applications utilisent déjà des briques d’IA. Dans la banque, l’assurance ou l’automobile. Outre une multitude de capteurs et de connexions, les véhicules autonomes sont par exemple guidés par des logiciels intelligents. Comme l’explique Eric Schmidt, le dirigeant d’Alphabet, la maison-mère de Google, un conducteur apprend de ses erreurs mais rarement de celles des autres. L’IA se nourrit-elle de toutes les expériences. Un conducteur artificiel serait ainsi mieux formé qu’un conducteur humain et donc potentiellement plus sûr.

Aussi indispensable soit-elle pour nourrir l’innovation, l’IA ne peut se passer d’une autre forme d’intelligence, née de la mise en commun de compétences et de savoirs humains. La sortie de l’iPhone est souvent prise comme exemple de l’intelligence collective. Comme toute innovation de rupture, elle ne pouvait reposer sur des données historiques, si importantes soient-elles. Cet appareil n’est pas le seul fruit d’une série d’innovations technologiques (écran tactile, applications…). Il est le résultat de la capacité d’un petit groupe de personnes, Steve Jobs, Jonathan Ive, le responsable du design, et quelques autres sans doute, à s’extraire de la bataille concurrentielle en créant un nouveau marché, selon la théorie dite de l’Océan bleu. L’iPhone est né d’une intelligence collective qu’aucune donnée n’aurait pu valider, la plupart des technologies étaient connues, la véritable innovation tient dans le lancement du produit.

Dans la finance ou dans l’assurance, l’IA devient incontournable et mobilise des millions de dollars d’investissements à travers le monde. Sa capacité à analyser les données du passé et du présent dans des proportions de plus en plus grandes permet d’améliorer grandement les outils dits « prédictifs » sur lesquels reposent tous les systèmes où le futur, que ce soit le prix d’un titre ou un sinistre, est la source de la création de valeur. Le Graal pour toute une industrie. Les exemples d’applications potentielles sont donc nombreux. Dans l’assurance notamment, où le coût de la police pourrait être parfaitement adapté au risque de l’assureur, quasiment en temps réel. Dans la gestion d’actifs, ou les robo-advisors s’appuient déjà sur des moteurs d’IA pour investir au bon endroit, au meilleur moment.

Pour autant, l’aboutissement de la prise en compte de toutes les données sera-t-il l’avènement de l’efficience des marchés ? L’irréductibilité persistera et l’intelligence collective, au travers d’équipes de gérants, démontre tous les jours qu’elle est capable de faire mieux que le marché. De même, certaines plateformes de Crowdfunding reposent sur l’objectivité et la diversité de l’analyse de leurs membres pour sélectionner les projets à financer et non sur le résultat de simples algorithmes. Cette forme d’intelligence est séculaire. Les technologies actuelles de communication et de mise en relation permettent de la démocratiser et de la déployer à grande échelle et dans des délais beaucoup plus courts.

Deux systèmes prédictifs se développent ainsi en parallèle à grand renfort de technologie. Le premier fermement ancré dans les principes de la raison et le second dans l’intuition.

Ces deux formes d’intelligences sur lesquelles travaillent tant de monde ne peuvent se confronter mais se compléter. C’est dans leur association que nous pourrons répondre à nombre de problèmes tel que celui de la voiture autonome qui, guidée par la froideur rationnelle de son calcul, devra choisir de renverser un piéton qui surgit sur la chaussée pour protéger ses passagers et sûrement réduire le coût pour la collectivité, ou faire une embardée, réflexe humain, au risque de finir dans le fossé.

La vague technologique enclenchée, il y a presque 20 ans maintenant nous presse à trouver des réponses. Et ce n’est que le début.

Retrouvez cette tribune sur Forbes.fr.

3 critères pour reconnaître les vraies disruptions à lire sur Le Cercle des Echos

Une tribune de Fabrice Imbault, Directeur Général de A Plus Finance

Le terme « disruption » est employé à tort et à travers. Pour qu’une innovation soit réellement disruptive, elle doit répondre à trois critères.

« Disruption » est-il devenu un poncif ? Ce terme s’est imposé pour décrire l’impact du numérique sur les entreprises et les institutions. Le succès de cette notion a son revers : elle est employée de manière souvent générique, et il suffit qu’un peu de « digital » soit injecté dans des modèles résolument traditionnels pour qu’il soit question de « disruption ».

Les investisseurs, eux, ne peuvent pas se permettre de miser leur argent sur des disruptions cosmétiques, incomplètes ou illusoires. Seules les disruptions véritables offrent des perspectives intéressantes. Elles se reconnaissent selon nous à la réunion de trois critères différents et complémentaires.

Critère n°1 : l’innovation technologique doit modifier la nature de l’objet et le service associé

Le premier critère est bien entendu le critère technologique. La disruption suppose le remplacement d’outils techniques ou technologiques anciens par des outils modernes apportant les qualités du digital : fluidité de l’usage, instantanéité du résultat, facilité de l’accès.

Cette dimension peut être toutefois très superficielle. Il est notamment possible dans des activités qui demeurent ancrées dans leur modèle d’ajouter une part de digital : c’est par exemple le marquage numérique des animaux d’élevage à des fins de géolocalisation ou la numérisation de certains supports administratifs (relevés de compte, déclarations d’impôts).

Il est même possible d’avancer que c’est le cas des applications pour VTC : la technologie permet de rendre plus interactif et plus précis un service qui fondamentalement reste le même (à quelques efforts de convivialité près). La fameuse uberisation tire ainsi son nom d’une disruption dont la dimension technologique n’est pas la force principale. Il est bien plus frappant de constater que des millions d’objets vont devoir être intégralement repensés, voire recréés pour entrer dans l’ère des objets connectés (il est question de vingt milliards d’objets connectés en 2020).

La dimension technologique embarquée est alors bien plus riche et bien plus complexe. Il ne s’agit pas seulement de rendre un service plus fluide, mais de modifier la nature même de l’objet et du service qui y est associé : après le passage de l’ordinateur à l’iPad ou de la musique sur support physique aux discothèques en streaming viennent les appareils de santé embarqués ( Apple étudie une montre qui anticipe et prévient les infarctus) ou les lunettes de téléportation virtuelle (Oculus rift).

Critère n°2 : le consommateurs doit pouvoir indiquer au fabricant ce qu’il souhaite le voir produire

Toutefois, l’innovation technologique ne saurait définir à elle seule la disruption. Un deuxième critère s’impose ici : le critère social. On dit souvent que le numérique modifie radicalement l’expérience client. Il modifie surtout l’expérience-fabricant. La véritable disruption défait le lien de préséance ou d’antériorité qui existait entre le créateur du produit (ou du service) et son consommateur. C’est désormais le consommateur qui indique au fabricant ce qu’il souhaite le voir produire.

C’est toute la logique du crowdfunding. Un site comme Kickstarter a réuni en 2015 plus de 2,5 milliards de dollars de financement pour les produits qu’il propose : des blocs massifs de financement se sont focalisés sur certaines offres, pendant que d’autres ne rencontraient aucun succès. C’est donc la communauté des consommateurs qui a décidé avant même la mise en production des produits qui verraient le jour ou pas.

Cette logique sociale a gagné toute la sphère productive. Elle a fait exploser les modèles anciens de marketing et de segmentation. L’individuation extrême de nos sociétés a cette conséquence que l’ultime segment marketing, c’est l’individu. D’où les tentatives techniques nombreuses d’anticiper ses besoins et ses goûts : de cette anticipation dépend à présent l’existence même d’un produit ou service. Le temps de la standardisation est derrière nous. Ce qui a fait la renommée de Berluti est aujourd’hui le quotidien de Nike , qui fabrique des chaussures dont le futur utilisateur a défini par internet la matière, les couleurs, le lettrage, etc.

Critère n°3 : s’adapter à un environnement économique changeant

La convergence du technologique et du social est indispensable à l’identification d’une disruption véritable. Il est un troisième critère, plus discret, qui s’ajoute à ces deux premiers : le critère économique. Bousculées par le numérique, les entreprises ne peuvent plus rester figées dans des modèles économiques pérennes. Les plans stratégiques à cinq ans paraissent même relever de l’exercice de divination dans un univers mouvant tel que nous le connaissons. La disruption concerne aussi les modèles économiques eux-mêmes. La digitalisation a imposé une nécessité nouvelle aux entreprises : elles ont dû conceptualiser leur modèle de production.

L’enjeu est désormais construire une vision très claire de la nature de l’activité et de toutes ses déclinaisons possibles dans un environnement changeant. Une entreprise qui s’était lancée pour produire des livres numériques et s’était heurtée à des blocages réglementaires sut en quelques mois évoluer pour proposer ses services à de très grandes bibliothèques et pratiquer la location de livres. Le concept était le même : il avait simplement su s’adapter à un marché différent, sur la base d’une compréhension très claire de ses fondamentaux économiques.

C’est la même logique qui préside au rapprochement entre la Fnac et Darty . Dans le rapprochement de réalités apparemment très différentes se joue l’émergence d’une plateforme commune de commercialisation. Le modèle économique est devenu le concept économique plastique qui permettra à l’entreprise de s’adapter à toutes les situations.

Il importe pour tout investisseur d’avoir clairement à l’esprit les critères permettant de graduer la réalité de la disruption. Il n’en reste pas moins que le numérique n’a pas le privilège de l’innovation : il existe encore mille manières d’innover en dehors du règne du digital. L’innovation, l’intelligence, le succès ne sont pas le fruit exclusif de la disruption. Cela, les investisseurs le savent aussi.

Fabrice Imbault est directeur général d’A Plus Finance

http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-159291-trois-criteres-pour-distinguer-les-vraies-disruptions-des-fausses-2017505.php

Le business plan, une utopie moderne ?

par Fabrice Imbault, Directeur Général d’A Plus Finance

Toutes les écoles de management enseignent à leurs étudiants l’art délicat du business plan. L’exercice est utile. Il n’est aucun banquier, aucun investisseur qui n’accorderait les moindres fonds sans un business plan prenant en compte les hypothèses les plus précises.

Pourtant, depuis quelques années maintenant, l’exercice du business plan s’avère de plus en plus incertain, notamment sur les entreprises les plus jeunes. Continue reading