par Fabrice Imbault, Directeur Général de A Plus Finance

La mise en place de la loi Macron, examinée ces jours-ci à l’Assemblée nationale, a été l’occasion pour le député (UDI) Jean-Christophe Fromantin d’introduire un amendement intéressant : la création de bourses régionales dans les grandes métropoles françaises.

Cette « création » est en réalité une « re-création », puisque des entités analogues ont existé jusqu’en 1990 : mises en place, pour les plus anciennes, au XVIe siècle, les Bourses des valeurs régionales françaises avaient pour mission de soutenir le financement des PME locales. La montée en puissance de la Bourse de Paris et notamment de la cotation électronique ont eu raison de ces structures qui pendant quatre siècles avaient bien rempli leur office.

Pourquoi les introduire de nouveau ? D’abord, parce que le constat a été posé que le flux de financement issu notamment de l’épargne des particuliers est insuffisamment fléché vers les entreprises. Ensuite, parce que l’ancrage régional semble de nature à convaincre les investisseurs, qu’ils soient particuliers ou institutionnels, de mettre une partie de leur capacité de financement au service d’entreprises dont ils savent qu’elles créeront des emplois à l’échelle d’une métropole ou d’une région, ce dont tout l’écosystème local bénéficiera directement. Enfin, parce que les nouvelles régions sont devenues, après la fusion, des entités dont la taille critique est telle qu’elles deviennent comparables à des régions à l’allemande ou à l’espagnole, capable de faire émerger une vraie gouvernance économique à l’échelon infra-étatique.

A tous égards, on ne peut que se réjouir qu’un circuit de financement « court » soit ainsi établi (ou rétabli) pour orienter au mieux l’épargne des Français vers les PME.

Plusieurs questions restent toutefois en suspens et sont de nature à préoccuper les entrepreneurs.

Tout d’abord, quelle entité s’occupera de faire émerger puis de présider à la bonne marche de ces nouvelles institutions ? Au moment où les grandes bourses du monde entier sont devenues des entreprises privées, il est à craindre que l’Etat ne soit ici le principal acteur de cette réémergence. Déjà, l’Agence France Locale semble pré-positionnée pour étendre son périmètre d’intervention aux entreprises. La tendance semble donc être à une prise de contrôle des bourses régionales par des acteurs publics.

Ensuite, comment s’assurer que l’épargne sera effectivement fléchée vers ces bourses régionales. La vérité est que les PME présentent un profil de risque très particulier qui n’est pas nécessairement conforme aux placements de « bon père de famille » que peuvent espérer les épargnants français. Les outils de scoring et de monitoring à mettre en place requerraient un travail considérable allant au-delà notamment des systèmes mis en place par les banques.

De même, le coût de la cotation pour les entreprises ne sera évidemment pas neutre. Le mouvement de concentration observé sur les grandes bourses mondiales est la résultante directe d’une guerre des prix farouche, démontrant qu’il s’agit là d’un enjeu majeur y compris pour les grands groupes. Les bourses régionales pourront-elles être compétitives tout en apportant le niveau élevé de service nécessaire alors les capacités de levées seront par définition limitées ? La compétitivité de leur offre reste à prouver, notamment face au développement du crowdfunding.

Enfin, désintermedier le financement des PME est-il gage de plus de croissance ? A cet égard, la présence aux côtés des entreprises d’experts du financement, de professionnels capables de juger des modalités les plus adaptées à ce financement, et d’acteurs habitués àaccompagner le management dans le déploiement des stratégies de croissance reste une garantie forte de bon usage de l’épargne. Imaginer un flux de financement direct vers les PME faisant totalement l’économie de cette expertise paraît peu augmenter le risque de marche et insister à la spéculation.

En tout état de cause, il n’existe aucune raison de refuser en bloc la création des Bourses régionales, qui correspondent à un constat juste et peuvent offrir des solutions intéressantes, pour autant qu’elles soient pilotées de manière performante et réalistes sur le tissu économique régional tel qu’il est aujourd’hui, avec ses atouts et ses difficultés.